7,8 millions de couples mariés, des patrimoines qui s’entrecroisent, et pourtant, la donation au dernier vivant n’est pas la promesse automatique d’une transmission idéale. Le testament, arme à double tranchant, rebat les cartes, bouleverse les équilibres et, parfois, change radicalement la donne pour le conjoint survivant. La loi, le notaire, les choix faits au fil du temps : tout pèse dans la balance et façonne les droits de chacun.
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Donation au dernier vivant : de quoi s’agit-il exactement ?
La donation au dernier vivant, aussi nommée donation entre époux, s’ancre dans le code civil français. Cet acte, toujours rédigé devant notaire, vise à renforcer la protection du conjoint survivant lors du décès du premier époux. Contrairement à une donation classique, elle ne prend effet qu’à la disparition du conjoint. L’objectif : offrir davantage de droits sur le patrimoine familial à celui qui reste.
Concrètement, la donation dernier vivant élargit le champ des possibles pour le conjoint survivant au moment de la succession. Plusieurs options s’ouvrent alors :
- L’usufruit sur la totalité des biens du défunt, pour conserver l’usage ou percevoir les revenus des actifs.
- La pleine propriété d’une partie du patrimoine, souvent un quart, modulée par la présence d’enfants.
- Une combinaison sur-mesure : usufruit sur certains biens, propriété sur d’autres.
Le régime matrimonial du couple, qu’il soit légal, en communauté universelle ou en séparation de biens, a une incidence directe sur cette mécanique. Une fois la donation signée, le notaire l’inscrit au fichier central des dispositions de dernières volontés pour garantir qu’elle sera bien prise en compte le moment venu.
Pour les couples où des enfants d’un autre lit existent, la donation au dernier vivant devient un outil d’ajustement précieux. Elle permet de composer avec la diversité des héritiers tout en restant dans la limite posée par la loi : la part des héritiers réservataires ne peut être ignorée. Le notaire doit alors veiller à l’équilibre entre les volontés du couple, le ou les testaments, et le régime matrimonial en vigueur.
Quels droits et quelles obligations pour le conjoint survivant ?
Grâce à la donation au dernier vivant, le conjoint survivant bénéficie d’une latitude rare dans le monde de la succession. À l’ouverture de la succession, plusieurs choix s’offrent à lui. L’un des plus courants : demander l’usufruit total de la succession. Ce droit lui permet de vivre dans le logement, de percevoir les loyers d’un bien locatif ou de gérer l’ensemble du patrimoine, tout en laissant la nue-propriété aux héritiers réservataires.
Autre option : réclamer la pleine propriété d’une fraction, généralement un quart, ou panacher entre usufruit sur certains biens et propriété sur d’autres. Dès lors, le notaire devient le chef d’orchestre chargé de faire respecter la réserve héréditaire des enfants tout en optimisant la part du conjoint selon la quotité disponible. Dans certains cas, par exemple en communauté universelle avec clause d’attribution intégrale, la totalité du patrimoine peut être transmise au conjoint, sous réserve d’accord des héritiers.
Ce privilège s’accompagne de responsabilités : le conjoint doit entretenir les biens en usufruit, régler les charges qui lui incombent et ne jamais empiéter sur la part qui revient aux enfants. Il peut aussi profiter d’un droit viager au logement, garantissant l’utilisation du domicile familial à vie. La situation évolue selon qu’il y a des enfants communs ou non, chaque configuration familiale redéfinissant la part légale et celle laissée à la discrétion du couple.
Un point à surveiller : le droit de retour. Certains biens reçus par le défunt de sa famille d’origine peuvent échapper à la succession du conjoint pour revenir dans la lignée familiale. Cet aspect, souvent négligé, doit absolument être clarifié avec le notaire lors de la rédaction du testament et de la donation pour éviter les litiges ultérieurs.
Familles recomposées : comment la donation au dernier vivant protège-t-elle chacun ?
Dans les familles recomposées, le partage du patrimoine devient un exercice d’équilibriste. Les liens du sang ne recouvrent pas toutes les relations du foyer. Dès qu’il y a des enfants non communs, chacun d’eux reste héritier réservataire et la réserve héréditaire s’applique strictement. Le partage entre le conjoint survivant et les enfants du défunt peut alors s’avérer délicat.
La donation au dernier vivant se révèle précieuse dans ce contexte. Elle permet au conjoint de choisir une part plus avantageuse dans la quotité disponible : souvent l’usufruit total de la succession, ou la pleine propriété d’une part, selon la composition familiale. Ce dispositif, inscrit dans le code civil, offre au conjoint une sécurité concrète sans jamais écarter la part minimale de chaque enfant.
Pour comprendre comment la loi organise ce partage, voici les grandes règles à retenir :
- Avec uniquement des enfants communs au couple, le conjoint dispose d’une marge de manœuvre élargie sur la quotité disponible.
- Si des enfants d’une précédente union sont présents, la réserve de chaque enfant limite la part transmissible au conjoint, mais la donation entre époux assure un usufruit sur l’ensemble du patrimoine.
Ce jeu d’équilibre, loin d’être anecdotique, préserve la stabilité du conjoint sans empiéter sur la part des enfants. Ici encore, le notaire joue un rôle central pour consigner les volontés et garantir que chaque partie soit respectée dans le cadre légal.
Impacts fiscaux et successoraux : ce que le testament change vraiment
Au décès, tout se joue dans la cohérence entre donation au dernier vivant et testament. Un testament bien rédigé, enregistré au fichier central des dispositions de dernières volontés, évite les ambiguïtés et les conflits entre héritiers, surtout lorsque la donation entre époux est déjà en place.
Sur le plan fiscal, la transmission entre conjoints s’est nettement allégée : depuis 2007, aucun droit de succession n’est dû entre époux. Que le conjoint opte pour l’usufruit ou la pleine propriété, il ne supporte plus d’imposition sur la part reçue. Attention cependant, le respect de la réserve héréditaire des enfants est impératif. Si le testament attribue au conjoint une part dépassant la quotité disponible, une clause de réduction permet d’ajuster le partage pour que chaque héritier réservataire reçoive sa part légale.
Dans la pratique, la cohérence entre testament, donation au dernier vivant et autres outils de planification successorale, comme l’assurance-vie, est capitale. Un exemple : dans une famille recomposée où chaque parent souhaite protéger à la fois son conjoint et ses enfants, le notaire pourra articuler donation, clauses spécifiques et contrats d’assurance-vie pour garantir la sécurité de chacun sans enfreindre le code civil.
Les choix faits aujourd’hui dessinent le paysage de demain : une succession apaisée, des héritiers respectés et un conjoint protégé, voilà le cap à tenir quand il s’agit d’organiser la transmission familiale.

